au coin de chez Julien, un troquet que je fréquentais dix ans
plus tôt avec une loubarde parisienne, bon souvenir, à
mon premier retour de New York, et dont la clientèle n'a pas
changé, puis nous redescendons vers Clichy, quelques jardins
avec maisons individuelles, même des palissades en bois çà
et là, pour prendre la voiture et nous garer en bas de la rue
Lepic, l'entamer ainsi, comme pour un pèlerinage, mais un incident
survient, un détail, mais on s'engueule quand même, et
elle part seule dans la rue, je la suis peu après, la perd de
vue
et arrive au grand virage Lepic Abbesses, je continue ma rue,
très belle, presque d'époque si on retirait les voitures,
avec des vues imprenables en plongée sur Paris, des troquets
de même, et à droite, je vois une plaque qui indique que
Van Gogh a habité là chez son frère Théo
de 1886 à 1888 et je monte la pente
pour demander à
une bourgeoise d'âge moyen, au niveau du numéro 5 qui y
pénètre, panier de courses à la main, du quartier
donc, si elle sait où habitait Céline, moi hésitant
entre le numéro 82 et le 98, ayant oublié ma lecture bibliographique.
La bourgeoise devant le numéro 5 est bien brave, d'allure ménopausée,
connaît Céline, a entendu parler de lui en tout cas, sait
qu'il a habité la rue
mais où
et là-dessus
arrive ce qui ressemble à un mari, le sien peut-être, et
elle lui demande s'il sait à quel numéro, et lui, genre
intellectuel de gauche qui aurait besoin d'un bon dentiste vu l'état
de ses dents, me jette un regard torve et à la question de sa
légitime "tu connais où habitait Céline ?
" rétorque d'un "ah ça non ! " et la pousse
devant pour s'engouffrer à sa suite dans l'immeuble, et tant
pis pour lui que je me dis, je ne lui donnerai pas l'adresse de mon
dentiste, et je continue ma remontée et sur le trottoir en face,
deux femmes descendent dans ma direction, trente ans environ, bras dessus
dessous, légères et sensuelles, ce qui me fait traverser
et les aborder, avec toujours la même question. " Céline
C'est qui ça ? " Elles me sourient, curieuses, disponibles,
je leur dis qu'il s'agit d'un écrivain et qu'il habitait le quartier
comme Van dont j'ai vu la plaque plus bas. " Ah ! Van est connu
", qu'elles me répondent, incrédules " Votre
Céline est-il aussi connu ? " Je leur confirme qu'oui, aussi
connu, pas aussi populaire, pas en France en tout cas, mais connu, plus
qu'un peu, vu qu'il a mis tous les mythes à plat et que cela
n'a pas plu, à personne, ni gauche ni droite, alors on l'a mis
un peu à l'index, vu tout cela et encore, mais tout ça,
je leur dis pas, bien sûr
Je leur dis qu'il a écrit
sur le quartier, et même qu'il l'a descendu avec un chariot à
bras, peut-être même cette rue Lepic ou une autre descente
vertigineuse avec tout son barda dessus, oui écrit sur les gens
du quartier, les gens de la rue, que je leur dis, et qu'elles devraient
le lire. Elles sont pleines de bonne volonté, rigolent entre
elles, quelque chose les amuse, moi peut-être, le nom de l'écrivain,
très féminin pour un homme, en tout cas elles me proposent,
gentilles, de me montrer la maison de Dalida à la place
Je rigole à mon tour, leur répète de lire Céline,
le Voyage ou Mort à Crédit, touche l'épaule de
l'une d'elles, toutes deux radieuses dans cette descente en plein soleil,
blondes, minces, de belles dents, des visages qui ont vécu, compréhensifs,
et je réalise qu'elles ne sont ni de petites bourgeoises ni des
connes de secrétaires, mais des putes, il n'y a que des putes
pour avoir une certaine aisance ainsi, elles me conseillent de m'adresser
au bar un peu plus haut "ils connaissent tout ", et repartent.
Le bar se trouve au coin de la rue Tholoze, en face du moulin de la
Galette, enfermé en haut, dans la verdure
et le café
la Galette d'où émerge un type, genre étranger
artiste, à qui je pose la question ; Il lui faut un moment pour
comprendre " Céline, Céline
ah ! oui
,
Je n'en sais rien. " J'admire la rue qui chute en bas, de la terrasse
vers un Paris lointain, la verdure qui camoufle le moulin de l'autre
coté, au sommet du monticule, à peine visible
Paris
a encore des beautés à découvrir, des riens, des
vues, passages, coups d'ils inattendus, comme le dimanche matin,
le boulevard saint Michel, vide, du haut de sa colline plonge vers la
Seine ou la rue saint Jacques
me surprennent toujours, tous les
dimanches matin, quand nous allons, tous les trois, faire du Kung Fu
au Luxembourg
Enfin
J'arrive au 98 qui est une petite maison avec une galerie au rez-de-chaussée,
j'entre, une Japonaise inexpressive apparaît, je lui demande la
même chose, si elle sait où habitait Céline et elle
répète la phrase en s'arrêtant sur Céline
Céline
perdue, me regarde de ses yeux sans cils, dans un
visage rond, lunaire, je lui demande s'il y a quelqu'un qui parle français
ici, elle répond qu'elle parle français ici, je lui repose
la question qu'elle répète mot à mot
Je regarde
autour de moi, dans la galerie, murs blancs, des cadres vides accrochés
dessus, des toiles vides sans cadres également, l'art dans son
dépouillement total, je la remercie, elle le répète
en écho, je sors, elle reste dedans
Décidément
Un peu plus haut, un petit attroupement
devant un autre moulin devenu un restaurant, astiqué et retapé
neuf, où des touristes se prennent en photos souvenir
Un
peu plus loin, une femme mûre promène son chien minuscule,
je l'aborde, "savez-vous où habitait Céline dans
cette rue ? Vous savez, l'écrivain
" Elle, aimable,
répond qu'elle ignore l'écrivain mais est sûre que
rue Lepic il n'y a pas de trace de ce nom, me suggère d'aller
voir juste en face, l'avenue Junot, où de nombreuses plaques
sont posées. Une autre, plus âgée, s'approche de
nous, familièrement prend part à la recherche, suggère
quant à elle, le syndicat d'initiative, où j'arrive au
milieu d'une énorme foule, place du Tertre, et derrière
le guichet du syndicat, une jeune femme affairée à échanger
les devises, et c'est bien de l'initiative mais aucune idée sur
Céline, tout est concentré sur les taux de change, elle
ne connaît pas même le quartier qu'elle m'avoue en rigolant...
Je redescends et prends le rue Girardon qui mène à l'avenue
Junot, me dis que décidément les fascistes les plus dangereux
sont les cons et les bien-pensants, ceux-là mêmes qui jugent
comme personne d'autre n'oserait le faire, ceux-là mêmes
qui vous tuent pour votre bien ou vous oblitèrent et c'est eux
qui ont tout fait pour effacer toute trace de Céline ici en tout
cas, et je tombe sur la place Marcel Aymé et son passe-muraille
en bronze, décidément, et en face, passage Girardon, parallèle
à l'avenue, une banderole est étendue devant le numéro
2, sur la grille d'une petite cour " Galerie Gen Paul expose un
artiste "
Incroyable !
Gen Paul et Céline étaient des potes
et j'ai vu des photos de Gen Paul et de sa femme dans leur atelier justement
dans la deuxième partie de la bio de François Gibault...
Gen Paul en train de jouer du piston devant son chevalet, avec des amis
J'entre dans une petite cour grillagée qui longe un rez-de-chaussée
et dedans un atelier composé de deux pièces, sur la gauche
une table de réception et au fond, la seconde pièce, le
chevalet et les instruments de Gen dessus, tout recouvert de peinture,
une vraie sculpture, sur les murs les tableaux d'un jeune artiste, et
face à l'entrée, une table avec le livre d'affabulation
des visiteurs. Je m'adresse à la vieille dame assise derrière
la réception, dos à la rue, rempli d'espoir cette fois
ci. " Dites-moi, personne ne semble connaître où habitait
Céline rue Lepic
Vous le savez, n'est ce pas ? " Elle
me regarde, déconcertée. " Il n'y a pas de plaque
? " qu'elle me demande.
" Non
"
" Ah vous savez, on a mis Céline un peu à l'écart
".
" Mais madame, c'est bien l'atelier de Gen Paul
et Céline
et lui étaient des potes à une époque
"
Je suis prêt à lui bondir dessus, je me sens maintenant
frustré, et elle m'énerve, avec son manque de savoir,
d'intérêt même.
" Vous savez, je ne sais pas grand-chose, je suis là uniquement
pour rendre service, remplacer la dame qui s'occupe ici
Elle est
partie et doit revenir bientôt. Moi, je ne connais pas grand-chose
sur le quartier
"
A ce moment, à travers la vitre, je vois une femme petite, trapue,
long manteau vert, un visage énergique encadré par des
cheveux plats, une frange droite sur le front, à la démarche
sûre, qui se dirige vers l'atelier, qui entre et à qui
je pose la question.
" Venez avec moi, Céline habitait en face d'ici " et
on sort et elle me pointe l'immeuble qui est en face et fait angle de
la rue Norvins et de la rue Girardon, le 21, elle indique le cinquième
étage. " Voilà, c'était là qu'il habitait,
et le propriétaire actuel avait posé une petite plaque
commémorative à coté de la fenêtre, mais
on lui a demandé de l'enlever ".
Décidément, même au 5e étage, Céline
est un proscrit dans ce quartier
Ici, ville haute, ville basse,
un peu partout dans le pays, lui pourtant tant admiré par toute
une génération américaine de Henry Miller à
Ginsberg, le génie qui a donné le rythme de la musique
au texte, à une langue figée dans son corset de syntaxe,
qui a libéré la littérature de tous ses tabous
et quelques autres. Mais tous ces intellectuels qui ne sont que ça
à gauche, aigris, aux idées balisées, biaisées,
aux cerveaux sclérosés, staliniens hier, pro-américains
aujourd'hui, contorsionnistes comme personne, pas même le grand
fakir n'oserait, aux opportunismes affichés, assaisonnés
de ce ragoût mesquin que les Français véhiculent,
oublient qu'en ostracisant Céline, ils lui rendent un sacré
service, contribuent à sa légende, celle qu'il a voulue
lui-même, d'auteur maudit et persécuté, celle qu'ils
lui firent depuis belle lurette, dès qu'ils virent qu'il ne jouait
pas mais pas du tout le jeu, cet iconoclaste des sectes si prisées
ici, des confréries en bloc, lui chez qui rien n'était
trop sacré pour ne pas en rigoler
Je me dis que peu d'auteurs m'ont autant fait rire que lui, m'ont autant
libéré l'esprit, ont autant exprimé le profond
de ce que nous pensons mais n'osons jamais écrire, non, n'osons
pas dire ou si peu, n'est ce pas
Quand je pense que j'ai acquis dans la même semaine Vogue la Galère
et pour 10 francs, et un peu avant la première édition
de Casse Pipe, et que les volumes recherchés me tombent sous
la main sans effort, je me demande si c'est la coïncidence ou le
destin lui-même en personne qui joue
Ainsi, me voilà
dans ce lieu tant recherché, ce triangle magique plus dur à
découvrir qu'un volume rare, le coin de la rue Lepic, Girardon
et avenue Junot, sans oublier la rue Norvins et tout le reste
J'observe les pistons sur le chevalet, un violon, tout couvert de peinture,
comme une couche du temps
Abandonnés
Dehors, la femme me pointe l'étage, se tourne. " Vous savez,
il partait tous les matins avec son vélo scooter pour aller travailler
au dispensaire
Mais vous devez savoir tout cela
"
Pendant qu'elle me parle, je me demande à qui est l'atelier et
je lui pose la question, qu'elle ignore, ma curiosité augmente,
je repose la question et elle me sort presque à contre cur,
"A mon mari. "
" Vous êtes madame Gen Paul ! " que je m'exclame, m'attendant
à tout sauf cela, et pendant qu'elle confirme, je revois la photo
d'elle et lui dans cet atelier des années auparavant, juste là,
derrière nous, comme si j'arrivais au terme d'une recherche en
une plongée soudaine à travers le temps ou l'ayant oblitéré
tout simplement, et si les voitures disparaissaient et les chaussées
redevenaient en macadam et le piston se mettait à jouer et une
silhouette en manteau long et chapeau enfourchait un scooter là
devant nous et si tout cela se déroulait en noir et blanc, mais
j'y suis pratiquement là
" Je n'ai plus de tableaux de mon mari
alors j'ai voulu réactiver
son atelier en exposant un jeune artiste
vous savez, rien ne m'est
resté
tous les tableaux vendus depuis longtemps
rien
"
" C'est une très bonne idée madame
il faut
exposer tout ça
" Je suis prêt à l'approuver
en tout, je suis prêt à tout, " mais vous devez avoir
des tas d'histoires à raconter
des petits rien
et
des grands
d'autres encore, peut-être
"
" Oui, mais c'est ma vie privée. "
Je la sens déjà méfiante, comme au début,
pour avouer l'atelier. " Vous avez, je suppose des photos ? "
Je me retiens pour ne pas lui demander si elle a des volumes de Céline
dédicacés, des petites notes de sa main, des riens, comme
ça
une note d'épicerie, qui sait, tout me ferait
plaisir, et je suis prêt à payer, en pleine transe célinienne
que je suis depuis un certain temps, depuis les achats des livres, les
lectures biographies, les relectures de ses textes, bref un vrai fanatique
qu'elle a là cette brave femme, pourrait arrondir bien des fins
de mois en une vente ou deux si elle sait saisir l'occase, mais elle
se méfie, a du voir d'autres sinistres de mon genre sur cette
piste, alors
elle se méfie, je fais tout pour ne pas la
bousculer.
" Oui, j'ai des photos que j'aimerai faire publier dans un livre
".
Je ne lui dis pas là-dessus que j'écris, moi aussi devenu
méfiant, ayant peur de lui faire peur, bref nous sommes tombés
dans un vrai rapport banal au lieu de planer, mais c'est ainsi, c'est
difficile d'être autrement dans cette société où
tout le monde est comme tout le monde, n'est pas
" Mais venez dans l'atelier, laissez-moi votre adresse pour le
comité de soutien de l'atelier ".
Voilà, j'avais bien raison, je la suis néanmoins, laisse
mon adresse, une projection dans un futur incertain au lieu de saisir
à plein le présent, mais c'est ainsi, c'est plus ou moins
toujours ainsi, il suffit de voir les touristes incapables de voir alors
ils photographient, incapables d'être là et ils prévoient
déjà l'ailleurs, mais pour revenir à nous, elle
me demande de marquer quelque chose dans le livre d'impressions pour
la galerie et j'écris : à la recherche de Céline,
rue Lepic, que personne ne semble connaître, quelle surprise et
joie de tomber sur l'atelier Gen Paul, et mieux encore, de rencontrer
à ma grande joie, son épouse
ou quelque chose de
ce genre, banal, mais c'est ainsi, et l'émotion m'a fait oublier
le vrai texte, mot à mot
Je redescends par la rue Lepic, à la recherche d'Emmanu, mais
ni elle ni la voiture ne sont plus là, et je prends la direction
de la place Clichy, en me disant que plus on ignore Céline, et
je me souviens qu'il n'existe aucune trace passage Choiseul, ni au 64
ni au 67, et pourtant Mort à Crédit est situé là,
plus on le planque, plus son mythe grandit
et un mec qui dérange
tant me séduit pas moins, au contraire, héhé
Oui, plus on l'enterre et plus il vit et je ne connais aucun auteur
français qui a su si bien établir sa légende de
son vivant, même aujourd'hui avec les moyens de communication
et de promotion, comme lui, comme quoi on peut vivre et prospérer
malgré les gens bien-pensants, ceux-là mêmes qui
vous lynchent pour votre bien, vous convertissent de force, n'est-ce-pas,
ceux qui ont Dieu de leur côté, pas moins, les persuadés
de leur droit absolu sur les autres, qu'on entend tant aujourd'hui,
à l'unisson, les plus dangereux
Place Clichy, à coté de la bouche du métro, un
stand de journaux, comme on n'en voit plus, déployé en
éventail très large, rempli de magazines, de cartes postales,
d'images et de couleurs, une vraie fête des yeux, et assise en
plein centre, devant le kiosque, une femme maquillée, charnelle,
tout à fait baisable d'emblée, ce qui est rare de nos
jours avec toutes ces femmes artificielles et sans vie, un vrai personnage
des rues du quartier d'antan, et je m'arrête, et vois d'autres
qui sortent du même genre du métro, et un groupe de loubards
en cuir est là, et je revois mon enfance boulevard Edgar Quinet,
et je me dis que c'est un véritable tableau illuminé par
ce coucher du soleil, un bouquet qui m'est offert, qui couronne cette
balade et je prends le métro pour rentrer et tombe sur Emmanuelle
devant notre maison et lui raconte ce qui s'est passé, elle qui
vient juste de rentrer en voiture, mais elle fait l'indifférente,
encore restée sur notre dispute, et on s'engueule brièvement
quand je lui dis d'oublier et je rentre et elle sort et je bois deux
whiskys à la maison et elle revient, et nous décidons
de repartir pour l'atelier car je veux qu'elle fasse une photo de la
femme dans l'atelier
On ne sait pas ce que demain porte
Vingt minutes plus tard, nous sommes à Clichy, et je me demande
où se trouve le bonheur, dans ce qu'on possède déjà
et qu'il faut approfondir, vivre pleinement, où dans la quête
de ce quelque chose qu'on n'arrive ni tout à fait à définir
ni vraiment jamais à saisir, mais qui nous fait espérer
peut-être, qui sait, c'est quelque part, nulle part, le bonheur
n'existe que dans des moments et entre ces moments, nous vivons sa perte
ou en cherchons de nouveau la trace, mais à Clichy, je demande
à Emmanuelle de descendre photographier la fille au milieu de
son kiosque et nous arrivons cinq minutes plus tard en haut de la rue
Lepic et avenue Junot, où je vois à travers les vitres
que la femme du peintre encore là, à parler au téléphone,
et Emmanuelle y va, attend qu'elle ait fini et lui dit qu'elle vient
de ma part et voudrait faire une photo d'elle devant le chevalet, la
femme commence par refuser, puis accepte en lui disant que nous aurons
le temps de nous revoir elle et moi, et la photo faite, on reprend la
descente en voiture et Emmanuelle me raconte tout ça, moi qui
suis resté tout le temps au volant à écouter une
cassette des Stones, et la descente est belle, comme tout l'est après
un succès, et l'avenue et toutes les rues paraissent en virages
qui découvrent à fur et à mesure leurs mystères,
cafés d'époque, tout est nouveau, inconnu, incomparable,
plein de ce charme frais et mon quartier me paraît fade à
coté, je le connais trop, et des souvenirs surgissent, le temps
où je fréquentais, brièvement, dans les années
soixante-dix, années très sauvages chez moi, remplies
d'une violence inouïe de la vie, de l'amour, de nuits et de mort,
quand je fréquentais un peu donc la Fourche, et très jeune,
oh mémoire incontrôlable, la place du Tertre, la Crémaillère,
où je l'ai emmené, il y a un an environ, pour lui montrer
le dernier endroit de la place non restauré, pas foutu donc,
et quand nous sommes arrivés, il était fermé pour
travaux et ainsi l'endroit où je passais des nuits blanches à
dix-huit ans a disparu avec son vrai zinc très long, sa piste
de danse usée et sa salle donnant sur jardin à l'arrière
Tout passe, d'où l'urgence de cette photo, la haut, si rien d'autre
à venir de cette rencontre
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