La liberté est un saut dans le vide qui nécessite une
foi sans bornes…
Parfois, quand je ferme les yeux, et un demi-sommeil me prend, il me
suffit alors d'un son familier pour qu'il m'entraîne à
sa suite en un voyage à travers le temps, rempli de flashs visuels
venus du fond de mon ventre, au plus profond de mon être, et je
revis des tranches de ma vie comme jamais auparavant, en un frisson,
qui me parcourent l'axe vertébral, tandis que les odeurs, puis
les sons, pénètrent les images qui se peuplent au point
de m'y égarer, pris dans une houle de sensations où tous
mes sens s'activent et qui ne dure pourtant que quelques instants…
Ainsi, assis au jardin du Luxembourg, sous un soleil d'octobre qui sait
être chaud, détendu, en compagnie d'Emmanuelle, je ferme
les yeux, pour entendre… le bruit des pas sur le gravier, les
cris tendus des enfants, leurs exclamations pointues, des rires, la
vibration des chaises métalliques qu'on déplace, le roulement
des cloches de saint Sulpice qui battent obstinément, tandis
que la chute du jet d'eau dans le bassin ajoute une note légère
et gaie, comme l'envol furtif des pigeons remplit la brise… Et
tout resurgit, mes années du lycée passées ici,
celles d'étudiant, puis les autres, celles des nuits sans fin
de Saint-Germain ou Montparnasse, tout m'éblouit, le temps ne
semble jamais être passé par-là, et j'ai l'impression
qu'en ouvrant les yeux, je serai n'importe quel personnage d'une de
ces époques, tout naturellement…
Il suffit d'un rien pour oblitérer le temps…