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L'asphalte est mou sous mes bottes mexicaines, et on sort de la chaleur étouffante du Subway à celle de la nuit ouverte, remontant l'escalier du double sous-sol de la station Broadway-Lafayette qui donne sur la double artère de Houston Street, avec un trottoir au milieu des deux voies qu'on traverse, mon compagnon et moi, au milieu des clodos déglingués et camés qui se font un quarter en essuyant les pare-brise des voitures arrêtées au feu, tapent une clope à mon pote anglais mince et speed, lui aussi remonté à l'alcool et qui m'entraîne, cette nuit, dans un club du Lower East Side, à quelques blocs de là, et qu'on engage sur notre droite, abandonnant les lumières et la circulation, la ville encore légitime, pour pénétrer une demi pénombre de rue étroite, Mott Street, avec son église et son cimetière derrière un mur en briques rouges d'un côté, des maisons d'habitation -et qui sont encore habitées -du côté du trottoir qu'on longe, et moi, malgré la chaleur, j'ai accroché par-dessus ma chemise, à mon épaule gauche, recouvrant ainsi mon bras, un blouson en jeans délavé aux manches coupées, qui me donne la possibilité de porter dessous un Saturday Night Special, ce qui me rend plus à l'aise de la sorte, comme de porter et d'entendre mes bottes sur le bitume, -bottes achetées dans une boutique du quartier et dont le propriétaire s'est fait braquer un peu plus tard, tirer une balle en plein visage, pour la recracher et survivre…On arrive à la première intersection, oasis de lumière du Million Dollar Grocery, une bodega qui est le dernier relais du coin avant de pénétrer dans le ghetto de la came, le point central de vente de came, en ce moment, sur la cote Est… et devant, un petit groupe de Puertoricains, où je remarque une pute d'une cinquantaine d'années si j'en juge d'après le visage ravagé, mais qui possède une paire de jambes superbes, à la peau satinée, deux colonnes intactes supportant une ruine couronnée d'une coiffure blonde délavée, cheveux courts qui accentuent encore les ravages du visage aux traits durs mais ce contraste la rend attirante ….

LA CITE DES BARBARES, récit, 142p

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L'odeur de l'air chaud, printanier, pénétra ses narines. Il respira profondément. Lentement. L'odeur particulière de cette saison était bien présente. Respira lentement. Le soleil caressa son visage. A plat ventre, une joue sur le sable lourd. Collant à sa peau moite. Chaud. Froid. Brûlant.
Voyait la ligne d'horizon, basse. Infinie ligne de sable, et tout au fond, une bande de mer, argent. Le ciel la couvrant. Il voyait moins le ciel que le sable, aux millions de petits cratères laissés par les pas.
Une silhouette au loin. Verticale. Une autre, confondue, horizontale. Une autre.
L'air le caressait sur le dos. Le soleil le diluait. Tous ses muscles abandonnés, au son régulier, lent, des vagues sur la plage. Répété. Enfonça les doigts des mains, laissant des coulées de grains s'échapper. Recommença. Corps étendu. Immobile.
Une ombre froide s'interpose entre son soleil. Il ne se retourne pas. Devina SA présence.
Quelques gouttes froides tombèrent sur sa peau.
Un rire au-dessus de lui.
Une main ensuite, froide, se posa sur sa nuque.
Le corps de la femme, jeune, frais de l'eau qu'elle venait de quitter, se posa sur le sien. Brûlant. Complètement. Il ferma les yeux.

NO FUTURE ET AUTRES PHANTASMES, nouvelles, 77p

 

Son regard attend le mien. Ses yeux bleus, gris, verts, ronds et surpris, perçants et directs, aux paupières qui se baissent en fentes à peine ouvertes, félins, pour se dévoiler flous et souriants, lointains, insaisissables, que son nez retroussé, aux ailes bien marquées, sépare, en tirant sur sa lèvre supérieure, entrouverte, tandis que ses pommettes prennent du large, hautes, pour s'effacer, disparaissent sur son visage large et plat, sous ses cheveux, mais son visage a une ossature saillante qui s'arrondit, rempli encore de cette plénitude de bébé, tandis que ses lèvres, boudeuses, qui coupent ce visage calme en une longue balafre forment des mots sans son, puis se serrent en une moue dédaigneuse, que le sang gonfle pour les relâcher, épaisses, entrouvertes, en une invitation passionnée qui s'efface dans un sourire moqueur, dénudant ses dents blanches, larges, aux canines carnassières…la pointe de la langue passe lentement sur les crêtes, se faufile dehors pour les lécher, la pointe retroussée passe une fois, une autre… lentement… jaillit, se répand maintenant sur toute la surface blanche, sur ses lèvres gonflées… pointe vers le bas, le menton qu'elle recouvre, puis disparaît d'une succion dans la profondeur noire cerclée de blanc, et… la tête chavire en arrière… découvrant la colonne blanche du cou qui se tend vers le ciel, l'arche du menton en érection, offrant ainsi un phallus géant d'où se déversent dans des flots irradiants d'une lave en fusion, aux flammes embrasant des deux côtés cette chute qui s'épaissit pour devenir une forêt impénétrable et secouée d'un tremblement profond au rythme de son rire…

AU BORD DE L'ETE, nouvelles,120p

 

 

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photo: Emmanuelle

 

Jambes aux muscles longs, chevilles fines, osseuses, bien marquées, le tendon puissant accentuant la forme ronde du talon, en goutte allongée, presque parfaite, peau transparente, parcourue de veines bleues qui se détachent comme des craquelures fines sur de la porcelaine blanche. Ses ongles, laqués bleus. Brillantes carapaces. Légères…Observe l'effet de ses jambes, en différentes positions, recherche un angle nouveau, inconnu…Une ombre sur les muscles, une position autre…Assise…tire une bouffée, puis une autre…Fait chauffer le rouge de sa cigarette. Trop…Remonte un genou sous son menton, le talon sur le bord de la chaise. Cigarette abandonnée, elle prend son flacon, sort le pinceau mince, mouillé de laque lourde, épaisse, l'étend sur l'ongle. Orteils tendus. Peignoir ouvert, tombant sur le côté de la chaise. Reflets dans le miroir de sa cuisse remontée, ouverte sur les poils de son bas-ventre.
Lentement, elle se peint. Puis, redescend le pied laqué avec précaution, pour maquiller l'autre. Se regarde dans le miroir, à intervalles. Appuie le talon entre ses cuisses, contre ses lèvres. Humides…Les orteils finis, elle étend une main, ongles fauves, pointes dures, sur le bord de la table. La peint de la même couleur. Etale voluptueusement la pâte sue ses écailles bombées…Bâton de bleu qui écrase ses lèvres tendues sur fond de dents blanches. Marquées de bleu. Qu'elle essuie de sa langue mouillée. De la pointe. Tendue.

LE DERNIER EXIL, roman, 186p.

En 2002, 67 livres, 35 éditeurs et 48 écrivains ont été accusés de subversion, condamnés à payer une amande ou interdits. Le seul livre à être non seulement condamné ou saisi, mais également à être détruit, a été Le Dernier Exil, Son Sürgün en turque. Qui plus est, il a été publiquement brûlé, ce qui a produit une vive réaction dans la presse turque comme auprès du International PEN.
Le Dernier Exil est une traduction pirate en Turquie....voir article

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photo: Emmanuelle

Mithra